1929 Great Depression Cold Case 7 : 1922 Conférence de Gênes : le game changer.

11/09/2020

Le monde de 1922 recelait bien des tensions : La Russie subissait une famine terrible et les soviets avaient pris le pouvoir : La crainte d'un front anti capitaliste montait chez les puissances europénnes , L'Allemagne était dans une situation économique peu enviable et ne faisait que récuser les réparations qui lui été avaient appliquées, la France ne voyait que par sa sécurité et celle de ses alliés à l'est , L'Angleterre avait perdu de sa superbe , une vague d'isolationnisme balayait les USA alors que le capital nécessaire à la reconstruction s'y trouvait.

C'est alors que du coté Britannique une idée germa , plutôt que de résoudre les problêmes de façon unitaire ne serait ce pas plus judicieux de les traiter dans leur globalité ??


La conférence de Gênes (10 Avril - 19 Mai 1922) : Le Game Changer

Ce schéma grandiose d'inspiration Britannique était la conséquence du contexte évoqué ci dessus , de la crise qui s'y était installé en 1921 et du soucis Anglais de reprendre la main.

Mais que diable avait elle cette conférence qui puisse lui permettre de revendiquer le titre de « game changer ».



 A priori elle avait pourtant l'air d'une conférence parmi tant d'autres : 34 Pays y participèrent , la plupart Européens . Alors certes l'Allemagne et la Russie furent invitées sur une base d'égal à égal avec les autres puissances et ce pour la première fois depuis la guerre ce qui était nouveau, il y avait aussi les USA qui devaient figurer à la liste des participants. Cependant rien qui vaille que l'on puisse la proclamer comme ayant ayant modifié la donne.

La reconstruction monétaire internationale était l'un de ses objectifs , le plus important étant le redémarrage du commerce international. Afin d'arranger la réintégration de la Russie dans l'Europe il fallait que soient débattues des incitations commerciales et financières et il fallait que l'épineux problême des réparations Allemandes puisse être attaqué en assistant sur la promotion du commerce avec la Russie. Y était espéré que les USA y coopèrent en réduisant les réclamations sur les dettes de guerre et puisse supporter un prêt pour l'Allemagne.

Cette conférence s'annonçait donc devoir traiter de nombreux problêmes variés , qu'ils soient politiques ou économiques elle apparaissait donc bien complexe.

Très tôt pourtant les fractures sous-jacentes mirent à mal l'objectif Anglais.

  • En proposant à la Russie de participer les puissances sponsors avaient en effet stipulé que sa reconnaissance diplomatique ne puisse être réalisée seulement que si le régime Soviétique , entre autres choses, accepte la responsabilité de la dette étrangère du renversement du gouvernement impérial. Cette condition étant particulièrement importante pour la France, dont les investisseurs possédaient l'équivalent de plusieurs milliards de $ d'obligations impériales. Confrontée à ce genre de réclamations , la délégation soviétique , eut le bon goût de faire des contre propositions sur le même plan c'est-à-dire financier. Les Alliés avaient porté assistance aux contre révolutionnaires Russes blancs cela avait donc un coût aux yeux de la délégation Russe : le temps n'était déjà plus au beau

  • La réduction envisagée des réparations et des dettes souffrit de nombreux revers. Le gouvernement d'Aristide Briand en France avait été démis en Janvier 1922 et pour Poincaré le nouveau président du conseil il n'était pas question de retoucher ce qui avait été signé lors du traité de Versailles. L'Allemagne devait payer point : le temps se gatait.

  • Les USA refusèrent de participer à la conférence de façon officielle , de peur de se voir acculé à devoir accepter une révision des montants des dettes de guerre et afin de ne pas être aspiré dans les embroglios politiques qu'ils soient Européens ou Russes (avec laquelle les USA n'avaient pas de relations diplomatiques) : l'orage était la


  • La signature le 16 Avril 1922 du traité de Rapallo entre l'Allemagne et la Russie (une coopération militaire voire une alliance entre les 2 parias , violant le traité de Versailles, qui pouvait mettre à mal la sécurité de l'Europe de l'ouest et de la France en particulier . Le Grand dessein de reconcilier l'Allemagne avec la France ,en utilisant la Russie par le truchement du réétablissement du commerce international profitant aux Anglais , avait explosé en plein vol ce n'était pas l'orage mais la tempête.


Rien de tous ces éléments ne pouvaient donc expliquer que cette conférence de Gênes fût considérée comme une grande réussite , bien au contraire . C'est donc ailleurs qu'il faut y chercher son importance . C'est bien dans la phase préparatoire et dans les résultats financiers qui sortirent de Gênes que les différents jeux de pouvoir qui redessineraient le monde d'après sont notables.

Bercée par l'illusion d'un réaménagement potentiel des réparations, qui permettrait d'établir une nouvelle stabilité monétaire en Europe , la commission des réparations nomma début Avril 1922 un comité de banquiers afin d'établir un chiffre pour le solde des réparations à payer par l'Allemagne et pour permettre d'explorer les conditions d'un prêt international en faveur de cette dernière. Il était plus que clair déjà avec les appels répétés venus d'outre Rhin que le programme des paiements établi en Mai 1921 ne serait pas tenu et que l'Allemagne serait en défaut de paiement. JP Morgan y jouerait le rôle du représentant Américain , ce qui ne manqua pas d'exacerber les tensions entre les établissements privés Américains (JP Morgan Kuhn Loeb and Co) pour la course aux faveurs gouvernementales. La reconstruction monétaire internationale passerait en Amérique indubitablement par le secteur privé 

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Les Européens quant à eux continuaient à chercher une solution aux dettes de guerre et aux réparations que les Américains accepteraient . Jusqu'à ce qu'ils sachent combien ils recevraient de l'Allemagne , les Alliés étaient quelque peu réticents en effet à régler une quelconque dette sans en connaitre le montant exact . Pour Norman qui avait une vision « mondiale » du contexte général, il était temps d'avancer ses pions et de prendre la main . Il sentait bien que l'Amérique bien que disposant du capital , n'était pas encore en mesure d'imposer un leadership mondial et avait un réflexe quelque peu isolationniste. Certes B Strong son homologue à la Fed de New York partageait ses opinions mais pour Norman c'était le moment d'agir....

Norman et le Trésor Anglais avaient par conséquent établi des plans spécifiques pour cette conférence de Gênes en préparant les résolutions qui devaient y être présentées voire validées. La Grande Bretagne occupant le centre de l'arène monétaire mondiale d'avant guerre , Il ne fallait pas en effet que cette position puisse être mise en péril . L'Allemagne et la France étaient préoccupés par des difficultés financières internes , quant aux USA on l'a vu précédemment il y existait une certaine propension à ne pas vouloir se préocupper du bourbier Européen . Son influence sur la reconstruction financière internationale ne passait pas que par la Fed, qui était encore bien jeune, mais aussi et surtout par les banques privées.

L'opportunité vu d'Angleterre était trop belle (The Reconstruction of the International Monetary System: The Attempts of 1922 and 1933 Stephen V. 0. Clarke page 11)

Le représentant officiel du Trésor Anglais , Ralph Hawtrey , qui lui serait présent à Gênes (contrairement à Norman) avait préparé une série de résolutions qui recommandaient le « réétablissement en Europe d'un système stable de monnaie » comme une « condition essentielle à la restauration du commerce ». Ce serait Hawtrey qui serait dans la lumière , Norman ayant pour sa part grandement œuvré dans l'ombre à ce que les principes qui lui tenaient à cœur soient défendus par un autre que lui. Norman avait donc rencontré Hawtrey en vue de cette conférence et établi avec lui les lignes importantes. Norman avait cependant demandé à l'un de ses fidèles lieutenant Charles Addis d'être présent à Gênes, sait on jamais . Les préceptes de Norman qui devaient être défendus et distillés , basés sur le maillage et les relations avec les différentes banques centrales qu'il commençait à réaliser étaient les suivants

  • Co opération (consultation entre banques centrales sur des sujets d'intérêt commun et en essayant de ne pas se porte préjudice)
  • L'Exclusivité : La banque d'Angleterre désirait que les banques centrales étrangères aient des comptes ouverts à la banque d'Angleterre et non pas dans des banques commerciales à Londres et réciproquement. La crainte de grosses transactions qui puissent déstabiliser le marché sans que la banque centrale en soit avertie était l'idée qui se cachait derrière ce principe
  • Soldes de banques centrales. La banque d'Angleterre était prête à accepter à Londres les soldes des autres banques centrales (en rémunérant des soldes pour le compte d'autres banques centrales)
  • L'Autonomie , c'est-à-dire la liberté de la banque centrale de s'affranchir du pouvoir politique.

The Bank Of England 1841 1944 R Sayers p157-158

La clef de voute de cet édifice était bien évidemment le retour à l'or mais par le truchement d'une innovation qui résidait dans l'adoption du principe d'opérations coordonnées par les Banques centrales pour la stabilité des prix et des taux de change . Ce principe était connu plus communément comme étant un nouveau Gold standard désormais managé (étalon or managé) , et non plus automatique, sous le nom de Gold Exchange Standard (étalon de change or , resolution 11 de la conférence de Gênes). Ce nouveau standard (étalon) fût évidemment présenté comme une amélioration de l'ancien système en ceci qu'il tentait de répondre aux problêmes d'alors, en particulier la crainte de la pénurie d'or.


Une fois les parités établies entre les monnaies nationales et l'or, l'or serait économisé en utilisant ce nouveau gold exchange standard et un nouvel objectif lui fût assigné . Objectif qui avait été rejeté pourtant lors de la conférence de Bruxelles quelques mois auparavant . C'était de prévenir les fluctuations dans les valeurs du métal brillant (le retour à l'ancien étalon or aurait , selon certains spécialistes engendré les dites fluctuations du fait de la reconstitution des réserves du dit métal par les différentes nations) en coordonnant les demandes d'or et en stabilisant les politiques de crédit pour maintenir les monnaies aux parités établies. Enfin ces objectifs devaient être proposés lors d'une convention Monétaire , sous l'égide des banques centrales , que la Banque d'Angleterre organiserait (Lord Norman , Clay p 137)

Le principe de ce nouvel étalon de change or était simple . La monnaie de chaque pays étant sous l'égide du gold exchange standard , pouvait être convertible au pair dans les monnaies des autres participants. Afin de maintenir la convertibilité , les pays sous gold exchange standard devraient avoir des réserves « actifs reconnus » (soldes de banques, obligations, titres à court terme ou autres resssources liquides) dans des monnaies étrangères et devraient acheter et vendre ce genre d'actifs librement avec leur propre monnaie. Comme le système devait être cependant basé sur l'or l'une ou plusieurs des monnaies , dite monnaie de référence devrait être convertible non seulement en autre monnaie mais surtout en or et par conséquent ces pays à monnaie de référence deviendraient des centres permettant l'échange du métal précieux (RG Hawtrey Monetary reconstruction , VI p136).

Les monnaies de référence , c'est-à-dire totalement convertibles en or étaient le dollar et la livre Sterling , les autres monnaies convertibles en dollar et livres. Ce système imposait de facto « deux vitesses » en mettant les banques centrales de premier rang (Angleterre et USA) au centre du monde financier et par la même les nouveaux maitres du monde.

Qui avait il de si révolutionnaire dans l'application de ce gold Exchange standard ?? , pour l'Angleterre le très grand avantage de lui dissimuler , pendant de nombreuses années , sa position véritable. Pendant toute la période de l'après guerre la Grande Bretagne pu prêter , dans toute l'Europe Centrale , des capitaux qui lui revenaient toujours, puisque , aussitôt entrés dans l'économie des pays emprunteurs , ils étaient déposés à nouveau sur la place de Londres. Ils pouvaient indéfinitivement reparaitre et permettre à leurs détenteurs de continuer à prêter à l'étranger, alors qu'avait cessé l'afflux de devises étrangères qui , dans le passé rendait ces prêts impossibles. (L'age de l'inflation Jacques Rueff page 68-69)

Mais Il y avait plus , sous couvert de standard or qui liait les mouvements d'or physique aux mouvements du crédit le gold Exchange Standard quant à lui désolidarisait les mouvements de crédit des mouvements d'or, et avait pour conséquence de prolonger et d'accentuer la distribution anormale de l'or , faisant en sorte que le retour des capitaux se produise sans le retour d'or, il constituait ainsi un formidable outil d'inflation . Les capitaux qui refluaient vers l'Euriope restaient disponibles aux USA. Il y avait dédoublement de ces derniers et permettaient au marché américain d'être acheteur en Europe sans cesser de l'être aux USA. L'œuvre des experts de Gênes tendait à faire disparaitre , dans le régime de l'étalon or , les freins qu'il opposait à la fantaisie des hommes. Elle laisser subsister la forme du système , mais en supprimant les régulateurs qui en assuraient la durée. (L'age de l'inflation, Defense et Illustration de l'étalon or conférence prononcée en 1932, Jacques Rueff page 47-77)



La conférence de Gênes par :

  • l'officialisation du gold exchange standard
  • La mise en application de la vision Britannique du rôle des banques centrales
  • La prise de pouvoir de l'ombre de Montagu Norman qui , peu importe le gouvernement Britannique en place imposerait sa vision
fut un véritable Game changer . Elle officialisa un système monétaire international qui possédait en son sein les germes de sa destruction , elle aménerait des nouveaux problêmes que Norman avait crée de toute pièce le transformant en un Prométhée moderne un Prométhée ...Banquier." 

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