1929 , Great Depression Cold case 2 un bien curieux personnage suite

22/06/2020

Nous nous étions quittés dans le précédent article avec le rôle trouble de Montagu Norman le gouverneur de la banque d'Angleterre lors de l'épisode Tchèque en 1939. Qu'un gouverneur de la banque d'Angleterre ait pu valider le transfert de l'or d'un pays , la Tchecoslovaquie, qui venait d'être annexée par l'Allemagne Nazie, à cette dernière sous couvert de principes idéologiques : le soit disant respect des statuts de la BRI, était déjà suffisamment étonnant pour que l'on puisse se poser quelques questions . Mais lorsqu'il s'agit de flou et de « smokes and mirrors » comme disent les Anglais, Montagu Norman apparait en être le maitre absolu car ce n'était pas tout....

En janvier 1939 , Norman et son épouse (ce drôle de personnage avait fini par se marier en 1933 à 62 ans alors qu'il était resté une grande partie de sa vie « Bachelor » ) allèrent à Berlin pour une affaire « privée » : le baptême du petit fils d'Halmar Schacht ( fils de sa fille) . Schacht fût un personnage bien controversé dans le monde de la finance.

Schacht fût gouverneur de la banque centrale Allemande de 1923 à 1930 , puis sous Hitler gouverneur de la banque centrale de 1933 à 1939 et ministre des finances de 1934 à 1937. il
figure parmi les personnalités arrêtées et jugées lors du
procès de Nuremberg où il fût accusé de plan concerté ou complot et de crimes contre la paix, pour sa contribution à préparer l'économie allemande à la guerre. Il fût acquitté et relâché en 1946, puis à nouveau jugé par plusieurs tribunaux allemands de dénazification à partir de 1946. Si le premier d'entre eux l'a condamné à une peine de huit ans de travaux forcés, les autres l'ont classé en « catégorie 5 » (c'est-à-dire, relaxé pour faits de résistance). Il fût libéré en 1948.

Les liens apparaissaient déjà relativement forts entre l'Allemand et l'Anglais mais , oh comble de la coïncidence ! , le petit fils d'Hjalmar Sacht , pour lequel Montagu Norman avait fait le déplacement en Allemagne en 1939 se prénommait : Norman Hjalmar van scherpenberg, un bien joli prénom composé du nom de l'Anglais et qui ne laisse que peu de doute sur le fait que notre ami gouverneur de la banque centrale Anglaise était tenu en haute estime par la
famille de l'Allemand, décidemment ces 2 gouverneurs étaient définitivement excessivement proches.

La seconde petite touche à venir rajouter à ce portrait de Montagu Norman , ce n'est certes pas l'équivalent de celui qui fut réalisé en 1930 par Augustus John (ci dessous) et qui fut décroché des murs de la Bank of England par une coincidence bien étonnante par Mark Carney le nouveau gouverneur de la banque centrale d'Angleterre d'alors dés son arrivée en 2013   quelques jours avant la divulgation de l'épisode Tchèque (les symboles sont forts), nous plonge dans le secret et le mystérieux et est digne d'un roman d'espionnage.

A l'été 1942 le président Roosevelt envoya à Winston Churchill un document top secret sur les activités de Montagu Norman.

Le premier ministre Anglais demanda à Anthony Eden son secrétaire à la guerre, de regarder de plus prés les allégations des américains, et en particulier les allégations des relations de Montagu Norman avec Hjalmar Schacht.

Schacht était en train d'essayer de créer une sorte de deal pour la paix qu'il ferait passer par l'entremise de Montagu Norman . L' étrange et le bizarre n'étant toujours pas bien loin , Montagu Norman n'avait eu de cesse de professer la parole du partage des responsabilités entre politique et économique. Que des banquiers centraux s'occupent de politique voila qui était bien en dehors des préceptes dictés jusqu'alors. Les papiers de l'archive Eden de l'université de Birmingham montrent un échange tout à fait étonnant, Eden questionnant Norman sur ses allégeances. Norman répondant qu'il n'avait pas vu Schacht depuis plus d'un an. Pour Churchill cela n'était pas suffisant . Dans un mémo qu'il envoya à Eden , Churchill fit remarquer que la guerre avait commencé il y a 3 ans et non pas il y a 1 an. La réponse de Norman selon Churchill n'était pas forcément franche il demanda à Eden d'aller creuser plus en profondeur. Et c'est à ce moment que la piste se perdit.......

 Ce que Eden reussit à récupérer auprés de Norman ou pas d'ailleurs n'apparait pas. Il semble bien que Churchill n'ait pas voulu partager avec les américains ce qu'il savait. Il leur renvoya l'assurance que tout était sous contrôle du coté de Norman.

Cet épisode quelque peu drappé de mystère portait la marque du secret made in England digne de celle d'un roman d'Agatha Christie .

Churchill en effet n'appréciait que très peu Montagu Norman, loin s'en faut et ne lui faisait aucune confiance et ce depuis bien longtemps. Leur inimitié , enfin surtout celle de Churchill envers Montagu Norman remontant de façon à peu prés claire cette fois ci à 1925.

En 1945 Churchill déclara à son médecin et confident Lord Moran que le retour à l'or avait été la plus importante erreur de sa carrière (Lord Moran , Winston Churchill : The struggle for survival , 1966, P303-304, diary for 10 September 1945). Et ce retour à l'or qui datait de 1925 , date à laquelle l'Angleterre réarrima la livre Sterling au gold standard après la première guerre mondiale était le fait de Montagu Norman.

Churchill, alors Chancellier de l'échiquier était particulièrement hésitant sur ce retour à l'or. Churchill n'ayant pas d'appétence particulière pour les aspects bancaires et à vrai dire étant bien novice sur ces sujets (Montagu Norman Boyle p 179) s'en était remis à la consultation de nombreux experts aux points de vue bien opposés afin d'y voir clair . Pendant plusieurs mois il
hésita comme le souligne l'affirmation suivant extraite de   Leith Ross dans "Money talks" p 91-2 :   

Winston cannot make up his mind from day to day whether he is a gold bug or a pure inflationnist

Le point d'orgue de ces débats fût le fameux meeting du 17 Mars 1925 cité dans la littérature spécialisée sur le sujet Grigg , Prejudice and Judgement 182-4 qui réunit les pro retour au gold standard :Niemeyer et Bradbury et les contre :Mc Kenna et Keynes ainsi que Grigg (secrétaire de Churchill à l'époque) et Churchill (Lords of Finance Liaquat Ahamed p 253). A la suite duquel la décision de revenir au gold standard fût prise. On ne peut pas dire cependant que Churchill ait été absolument convaincu par la manœuvre et même si Norman lui avait promis « I'll make you the golden Chancellor (Montagu Norman Boyle p 189) Churchill a toujours gardé un souvenir plus que douloureux de cet épisode (Montagu Norman Boyle p 191)

Montagu Norman fût il coupable de quelques vilénies dignes de la haute trahison il eut été logique que Churchill eu profité de l'incident et du mépris qu'il avait pour le gouverneur de la banque d'Angleterre pour lui faire prendre une retraite..... méritée. D'autant plus méritée , que la période de règne de Norman avait été particulièrement longue et que ce n'était pas la première fois qu'il eut une idée de la sorte. La logique aurait voulue donc que l'incident soit utilisé par Churchill. Il semble bien en effet que Norman ait voulu tenter de trouver une solution derrière le dos du gouvernement. 

Que pouvait il donc d'y avoir de supérieur aux sentiments personnels de Churchill envers Montagu Norman qui puisse lui faire surpasser ses opinions personnelles pour affirmer aux Américains que tout était Ok dans le cas de Montagu Norman ???

Seul l'intérêt supérieur de la nation semble pouvoir expliquer l'attitude de Churchill , à moins bien sur qu'il ait eu la certitude que Norman ne dise la vérité , ce dont on peut douter. La demande d'enquête en effet venant directement du président des USA , ce dernier devait avoir une source de renseignement relativement solide , les fakes news étant à cette époque moindres que de nos jours

Derrière cet écran qu'est l'intérêt supérieur de la nation que pouvait il bien se cacher ???

A ce stade la réponse n'est pas bien évidente, je vous en proposerai une au cours des prochains épisodes.

Les petits éléments à ne pas négliger concernant Norman ayant été rajouté il convient maintenant d'entreprendre la lecture des événements de la période de l'entre deux guerres sans se contenter de l'approche qui se base sur l'explication mécanistique des événements économiques et en n'omettant surtout pas les aspects psychologiques des personnages de ce drame .. car comme je vous l'ai présenté c'est un COLD CASE.


Créez votre site web gratuitement ! Ce site internet a été réalisé avec Webnode. Créez le votre gratuitement aujourd'hui ! Commencer