1929 , Great Depression Cold case 1 un bien curieux personnage

06/06/2020

Vous vous demandez sans doute pourquoi un tel titre ? . Et bien à l'instar des enquêtes criminelles, pour lesquelles l'énigme est élucidée bien des années plus tard suite à la découverte de nouveaux éléments, cette série d'articles utilise la même démarche. Cela signifie 2 choses. La première ,que la présentation va être abordée avec un angle qui n'existe que peu dans la littérature académique des crises financières qui est celle de se poser
la question de « à qui aurait pu bien profiter le crime ? », la seconde c'est que des éléments nouveaux soient apparus qui puissent permettre de remettre probablement en question l'existant.


Je n'aurai certes pas la prétention d'annoncer que l'énigme est élucidée mais les éléments que je vais présenter amènent sur une toute autre piste de réflexion (j'en avais donné un bref aperçu dans mon article 1929 ou 1931 le choix dans la date) que celles qui sont communément partagées jusqu'alors.

Cette nouvelle approche est d'autant plus intéressante à utiliser que les éléments de comparaison avec l'époque que nous vivons sont bien plus nombreux que ne pourrait le laisser supposer le siècle qui nous en sépare et que cela pourrait nous permettre de comprendre ce qui se passe actuellement.

Cela tombe bien vous me direz puisque c'est le but de ce blog.

Le contexte actuel regorge en effet d'éléments qui montrent l'augmentation de tensions entre la puissance dominante actuelle qui est encore les USA et de son challenger la Chine. Ces tensions apparaissent à peu près dans tous les domaines. Or le seul moment pendant le 20eme siècle où il fut donné d'assister à un passage de leadership entre une puissance dominante d'alors (L'Angleterre ) vers une autre en devenir (les USA) ce fût justement l'entre deux guerres. Rarement pourtant cet élément majeur de l'analyse des événements qu'est la bascule économique de leadership n'a été vraiment utilisé comme thème central de la période 1919-1939. Force est de constater pourtant que le XXeme siècle débuta sous le leadership du British Empire et qu'il se termina sous celle de la bannière étoilée (cf 1929 ou 1931 le choix dans la date) . L'analyse du passage de  leadership économique entre les deux puissances fut pourtant quelque peu « noyée » dans celle des 2 guerres mondiales qui bordent la période.

Dans le petit monde de ceux et celles qui ont de près ou de loin tentés de comprendre ce qui avait bien pu amener une telle déflagration que fut la grande dépression, apparut début 2009 un livre qui reçu un succès commercial tellement notable qu'il sorti du dit cercle fermé des passionnés pour toucher un plus grand public. Le livre intitulé « Lords of Finance » de Liaquat Ahamed apportait indéniablement quelque chose de différent .

Comment aurait il été possible d'expliquer qu'un livre ayant comme sujet principal l'histoire économique et financière de la période de l'entre 2 guerres puisse se vendre aussi bien ? . Outre le talent de narrateur indéniable de son auteur , le timing de sa publication était excellent . Un peu partout on cherchait en effet à comprendre ce qui pouvait expliquer la déflagration économique de 2008 et l'on établissait des comparaisons avec la grande dépression. Cela n'expliquait cependant pas tout . L'approche du thème , était elle aussi particulièrement bien choisie. Le sous titre « 1929, The Great Depression, and the Bankers
who Broke the World
» laissait supputer une approche qui n' avait pas été menée jusqu'alors :
Derrière les événements économiques catastrophiques et les éventuelles décisions qui auraient été prises ou pas , il y avait avant tout des hommes . Et ces hommes avec leurs personnalités , leurs psychologies complexes étaient les sources de la dramaturgie de la pièce qui se joua il y a prés de cent ans.

Mr Ahamed pris le parti ,afin d'éclairer cette période de l'histoire économique d'utiliser une disposition assez proche de celle d'une pièce de théâtre voir de celle d'une œuvre cinématographique. Sa mise en scène fût axée autour de 5 acteurs principaux . Il s'agissait de 4 gouverneurs de banque centrale nationale qu'étaient

  • Montagu Norman (Angleterre) 
  • Emile Moreau (France)  

  • Benjamin Strong (USA)

  • Hjalmar Schacht (Allemagne)

et dans un rôle de trublion irrévérencieux mais au combien talentueux , créateur d'une nouvelle pensée économique :       John Maynard Keynes .

Basé sur le travail absolument remarquable de ses recherches très fouillées , issues de multiples sources , mais surtout sur son approche reposant sur l'importance du rôle des hommes dans les décisions économiques, on aurait pu penser que l'auteur puisse arriver à
quelques conclusions jamais lues jusqu'alors. Pour cela il eut fallu que l'esprit quelque peu rebelle de celui qui sortait des sentiers battus, l'esprit du seul personnage, Keynes, des 5 précités qui ait recherché selon Mr Ahamed les causes de dysfonctionnement de l'économie et ainsi y apporter des réponses soit le même que celui de l'écrivain à succès de "Lords of Finance". Ce ne fût pas le cas et de conclusions différentes à celles que des démarches plus académiques avaient pu réaliser il n'y avait point.

Selon Mr Ahamed , le choc économique n'était ni le fait d'un acte Divin comme avait pu le défendre un temps un courant de pensée , ni le fait que le système capitaliste aurait recelé une contradiction inhérente en son sein capable de le détruire comme un autre courant pouvait le défendre. Il y avait pourtant des coupables et c'était bien sa première conclusion et ces coupables étaient des hommes qui par une séquence d'erreurs collectives avaient plongés le monde dans le chaos.  La seconde c'est que pendant une crise il aurait fallu un  leadership et selon lui  il n'y en avait pas eu . Strong était mort, Norman et Sacht étaient sous le joug de la dictature du gold standard et liés aux USA qui déflatait les prix , le seul qui eut pu faire quelquechose Moreau préférrait utiliser la puissance Française  retrouvée pour jouer la carte politique.

Encore une fois Maudit gold Standard et maudits Français.

La dernière de ses conclusions  c'était que le manque de compréhension du fonctionnement
de l'économie était aussi une cause du choc. Seul Keynes s'étant employé selon lui à faire ces recherches , il avait permis grâce aux enseignements qu'il avait tiré puis distillé à faire éviter au monde une crise aussi profonde que la grande dépression jusqu'alors..

La nouveauté de Mr Ahamed ne résidait pas dans les conclusions de son livre mais dans l'importance des personnages dans les ruptures économiques

C'était un peu maigre comme seul élément sur lequel se baser pour permettre de lancer un cold case  , c'est alors que le hasard joua un tour à ceux et celles qui croyait que la cause était définitivement entendue. Le 30 Juillet 2013 , dans la quietude matinale d'un jour d'été ou personne n'a à vrai dire grand-chose à faire de l'économie du monde et alors que le nouveau gouverneur de la banque d'Angleterre Mark Carney venait de prendre ses fonctions quelques jours auparavant,  la publication, sous forme électronique, d'archives de la Banque d'Angleterre mis en émoi parmi le petit monde des chercheurs de la période de l'entre deux guerres ceux qui n'étaient pas partis en vacances . C'était d'ailleurs à se demander  si le hasard n'avait pas bien fait les choses en choisissant une date de publication au beau milieu de l'été.

Mais fichtre qu'y avait t'il de si révolutionnaire dans ces archives ??

Ce que seuls un nombre bien réduit d'historiens chercheurs savaient plus ou moins, à savoir que Montagu Norman le gouverneur de la banque d'Angleterre qui avait présidé aux destinées de la vénérable institution pendant la période la plus longue de tous les gouverneurs (24 ans de 1920 à 1944) avait réalisé quelques manipulations dont il avait le secret qui avaient un parfum non seulement de scandale mais de véritable bombe.

Selon ces documents (je met le document ci dessous car le lien ci joint a la facheuse tendance d'évoluer avec le temps).


 Montagu Norman avait en Mars 1939 permis à l'Allemagne Nazie de s'emparer de l'or de la Tchecoslovaquie non seulement sans opposer de résistance mais plus vraisemblablement sciemment .

Une partie de l'or Tchécoslovaque avait été déposée sur un compte de la Banque des Règlements Internationaux ( la banque centrale des banques centrales) au nom du gouvernement Tchécoslovaque , inutile de préciser qu'à cette époque la question de sécurité était prépondérante et le fait de conserver pour un pays son or , en dehors du pays était gage de sécurité vu les tensions qui montaient. Cet or Tchecoslovaque était gardé physiquement à Londres par la Banque d'Angleterre pour le compte de la BRI. Londres a historiquement toujours été une place prépondérante quant il s'agit de l'or physique .

Le 21 Mars 1939 la BRI demanda à la Banque d'Angleterre, qui était physiquement le gardien de l'or , le transfert de £5.6m d'alors de l'or physique (l'équivalent de 23,1 tonnes d'or) du compte N°2 de la BRI sur le compte N°17 de cette dernière , ce qui fut fait dans la journée avec un reliquat le jour suivant. L'ennuyeux de toute cette mécanique qui peut apparaitre pour le profane très administrative c'est que le compte N°2 c'était le compte à la BRI de la banque centrale de Tchécoslovaquie et que le compte N°17 celui de la banque centrale Allemande et qu'il n'y avait que très peu de doute sur le fait que Montagu Norman savait à qui appartenait les comptes......De plus le 14 Mars 1939 c'est-à-dire 7 jours auparavant l'Allemagne Nazie avait envahie la Tchécoslovaquie.

La demande de transfert était parvenue du président de la BRI , J W Beyen, un Hollandais. La banque centrale Tchécoslovaque , sous le joug de ses nouveaux chefs Nazis avait donné l'ordre à Bayen de réaliser le transfert. Il est à peu prés certain que Beyen n'était pas en position de faire opposition,  La Hollande ,qui à l'époque se sentait particulièrement vulnérable face à l'invasion potentielle de son voisin voulait désespérement montrer sa neutralité. La banque d'Angleterre était elle en position, si ce n'est de bloquer de sa propre initiative du moins de retarder la requête car elle avait suffisament de poids auprés de la BRI du fait de son représentant Otto Niemeyer qui en était le Chairman . La France elle suggéra d'arrêter ces transferts.

Selon les éléments historiques , Montagu Norman affirma le 22 mars au Trésor Anglais qu'il avait reçu un coup de téléphone du gouverneur de la banque de France lui proposant qu'ils fassent cause commune auprès de leurs Trésors (Etat) respectifs afin qu'il y ait un artifice de trouvé auprès du président de la BRI pour que la livraison de l'or Tchécoslovaque aux Allemands soit bloqué et qu'eux même (les banques centrales) face front commun en réalisant une requête spécifique d'arrêter tout transfert de la Tchecoslovaquie jusqu'à la prochaine réunion du board de la BRI.

Norman "declina" les 2 demandes Françaises , tenant la position jusqu'au boutiste qu'il serait à la fois contraire aux principes de la BRI mais aussi dangereux d'essayer pour des raisons politiques d'influencer la décision du président de la BRI..........on croit rêver. et de se poser quand même la question si les méchants doivent systématiquement être les Français ?

Le contact avec les Français semblant avoit été fait le jour même ou la BRI avait demandé de réaliser le transfert , laissant à suggérer que Norman avait donné le feu vert personnellement au transfert de l'or vers l'Allemagne.


Quelle fût sa défense ???.: que les règles de la BRI devait être scrupuleusement respectées peu importe ce qu'il advint : Les règle étaient donc à géométrie variable selon le gouverneur Anglais.

En mai 1939 soit 3 mois aprés les faits , cela devint un sujet politique majeur car la presse avait eu vent des manoeuvres quelque peu troubles de Montagu Norman du fait d'une fuite et le 26 Mai , le Chancellier de l'époque Sir John Simon , demanda à Norman si la banque avait encore l'or , ce à quoi il ne répondit pas précisent les documents. Norman précisa par contre que la banque d'Angleterre était le gardien de temps en temps de l'or de la BRI mais qu'il ne savait pas si cet or était celui de la BRI ou des clients de cette dernière : comprendra l'enfumage de Norman qui pourra.

L'or en fait était bel et bien à la banque d'Angleterre , il passait d'un propriétaire à un autre
d'un compte à un autre.

Mais la controverse ne s'arrêterait pas la , Le 1er juin 1939 , alors que le scandale politique enflait , Norman conduisit encore une opération pour la banque centrale Allemande , le fameux compte N°19 de la BRI. Cette fois ci Norman en référa au Trésor anglais (l'Etat) avant d'agir. Le Trésor face à une situation si compliquée se devait de consulter les hommes de la loi de la couronne de sa gracieuse majesté, avant de répondre. On peut s'étonner quand même que face à une cause quasi majeure les artifices de la bureaucratie tournent à plein régime. Sans attendre leur réponse car la BRI s'inquiétait du retard du transfert Norman prit la décision de mener la transaction à terme , il argua pour sa défense que les hommes de loi le suivirent mais postérieurement à sa décision.

La position de Norman était donc la suivante , peu importe ce qu'il advenait , la BRI devait fonctionner coute que coute. Ce n'est qu'à partir du 04 Septembre 1939, l'Angleterre étant entré en guerre le 03 Septembre  que le gouvernement Anglais soutint officiellement qu'aucun bénéfice ne pouvait en être tiré par les ennemis même sous le truchement de la BRI , au grand dam de la position défendue par Norman même encore après la déclaration de guerre.

Décidément il se pourrait bien qu'il y ait un coté obscur de la force économique .


Cette fois ci le cold case commençait  à prendre forme . Etudier cette grande dépression en donnant une place plus importante aux personnages qu'à la technicité bancaire  , "Lords of Finance" avait montré la voie  , en pretant une attention toute particuliere à ce Montagu Norman qui semblait réceler bien des secrets ...........


il était temps cette fois ci de d'avancer dans  l'enquête.


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